Le décor architectural artuqide en pierre de Mardin placé dans son contexte régional

Les Artuqides comptaient parmi les nombreuses dynasties successeurs (« successor states ») qui sont arrivées simultanément au pouvoir à la suite de l’invasion des Turcs Seljuqides dont les armées avaient conquis, au cours des XIe et XIIe siècles, de vastes territoires s’étendant des limites de la Chine occidentale à la Méditerranée orientale. Bien que le pouvoir politique des Artuqides fût limité à une petite région, le Diyar Bakr – au nord de la Jazira correspondant à la Turquie du sud-est – l’héritage artistique qu’ils ont légué est pourtant remarquable. Les nombreux monuments artuqides et leur décor architectural, créés sur une période de trois siècles (du début du XIIe au début du XVe siècle), témoignent de la maîtrise de la sculpture et de la taille de pierre qui se reflète dans des motifs et compositions complexes. Mardin, à l’instar des autres centres artuqides d’Amid, Mayyafariqin et Hisn Kayfa, se situe dans une zone englobant diverses traditions artistiques chrétiennes et musulmanes.Ce livre détermine le contexte artistique de Mardin par rapport aux autres centres artuqides, ainsi qu’aux zones voisines comprenant l’Anatolie, le Caucase, l’Iran, l’Iraq, la Syrie et l’Egypte. Durant la période artuqide, un style original se développe à Mardin ainsi qu’au Diyar Bakr. Ce style puise lui-même sa source dans une école locale bien établie de tailleur de pierre. Bien qu’étant liée aux précédentes traditions chrétiennes du Tur ‘Abdin syriaque et à la Syrie de l’Antiquité tardive, la décoration se compare également avec les monuments de l’Arménie et de la Géorgie, et résonne avec les traditions artistiques observées dans les régions contrôlées par les pouvoirs régionaux musulmans de l’époque : les Zangides, Ayyubides, Mamelukes, Grands Seldjuqides, Seldjuqides d’Anatolie et les Ilkhanides. Les monuments artuqides reflètent l’esprit d’une époque durant laquelle la Jazira était une sorte de plateforme artistique qui favorisait la circulation d’idées aboutissant à de nouvelles inspirations, et où souverains et mécènes curieux et réceptifs à de nouvelles créations encourageaient les efforts créatifs des architectes, des tailleurs de pierre et des artisans. Les monuments décorés témoignent aussi de la richesse économique et de la volonté de la classe dirigeante d’investir cette fortune dans la construction de monuments sophistiqués dans le but de s’élever socialement et d’accroître son pouvoir politique.

L’auteur  :
Dr. Deniz Beyazit, spécialiste de l’art médiéval islamique et ottoman, est conservatrice assistante au département des arts de l’Islam du Metropolitan Museum of Art à New York. Diplômée de La Sorbonne, elle est également chercheuse associée de l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes d’Istanbul.

Archeopress, Oxford, 2016
552 pages ; 302 ill. couleur.
ISBN 9781784911225.