L’économie selon Marco Polo avec Thomas Tanase

Emission Entendez vous l’Eco? diffusée sur France Culture avec la participation de Thomas Tanase et Priscilla Mourgues.

 

Le Devisement du monde raconte le long périple de Marco Polo de Venise à l’Asie, traversant tout le continent pendant une vingtaine d’années, vraisemblablement entre 1271 et 1291. La vie romanesque de Marco Polo s’inscrit dans un moment de grand essor de la puissance commerciale de Venise, cité marchande qui cherche non seulement à renforcer sa présence en Méditerranée mais surtout à développer de nouveaux débouchés économiques vers l’Asie.

La famille Polo au cœur du commerce vénitien du XIIIème siècle : Le Devisement du Monde, œuvre d’un marchand

Marco Polo naît en 1254 à Venise, et comme beaucoup de petits Vénitiens de l’époque, il grandit sans père, parce que celui-ci est parti avec son oncle sur les mers vers Constantinople puis sur la route de l’Orient. Thomas Tanase nous explique « Venise est devenue un empire maritime. Elle a été très fortement marquée par un héritage byzantin, puis les rapports de force se sont inversés et elle a fini par prendre la place de Constantinople, notamment à partir de la quatrième croisade de 1204. Venise a construit tout un empire maritime avec les côtes dalmates, des points de relais comme à Corfou ou en Crète, à une époque où la navigation se fait le long des côtes. Et ensuite la cité s’est développée comme une plaque tournante entre l’Europe et l’Orient. Au Moyen Âge on assiste au développement de l’Europe du Nord-Ouest, avec un fort essor agricole, qui donnera Londres, Paris, les Flandres et la vallée du Rhin, un axe économique que l’on retrouve encore aujourd’hui. Et Venise, comme sa rivale Gênes, est une cité italienne au pied des Alpes qui peut faire un point d’interface avec tous les échanges méditerranéens et orientaux, jusqu’en Egypte et Constantinople« .

Par ailleurs, Marco Polo a dû recevoir une éducation assez soutenue, on l’apprend plutôt en creux, par déduction en lisant Le Devisement du monde. Priscilla Mourgues ajoute « d’après son œuvre, on apprend surtout ce que Marco Polo a appris en Orient. On sait qu’il s’est très bien adapté, il est dit qu’il a appris les coutumes des Mongols, leur langue, leur écriture, et même leur façon de tirer à l’arc. Il est dit qu’il a acquis à un caractère savant, sage et prudent. Et on sait également qu’il a acquis des expériences auprès du Grand Khan« .

Les routes de la soie : entre découverte culturelle, débouché commercial et innovation économique

Quatre ans après leur départ de Venise, en 1275, les Polo arrivent dans la cité du Grand Khan, en Chine. Ils découvrent son palais d’été à Xanadu, puis le suivent à Cambaluc, nouvelle capitale de la Chine depuis bientôt dix ans, située à proximité de l’actuelle Pékin.

Thomas Tanase explique : « Qubilai est le souverain le plus prestigieux, c’est pour cela qu’on parle de Grand Khan, il est en principe celui qui est à la tête de tout l’ensemble mongol. A cette époque, on n’a plus un empire mongol, mais une sorte de Commonwealth mongol, avec des parties qui se battent entre elles mais qui théoriquement répondent du Grand Khan Qubilai, ce dernier est surtout celui qui achève la conquête de la Chine. A l’époque, on parle plutôt de monde chinois, qui était divisé en plusieurs pouvoirs avant que les Mongols n’entament la conquête, et c’est Qubilai qui réunifie la Chine, autour de la capitale Cambaluc, actuellement Pékin« .

Tout au long de son œuvre, Marco Polo va évoquer les merveilles de l’empire mongol. Priscilla Mourgues précise « Le Devisement du monde n’est pas un manuel de marchands, mais on y trouve toutes sortes d’informations sur les territoires, positions géographiques, paysages, architectures, croyances, ainsi que diverses notes à portée économique. Au fil des nombreux chapitres, Marco Polo précise si les peuples rencontrés vivent des bienfaits de leur terre ou de la pêche, du commerce ou de l’artisanat. Par ailleurs, il estime souvent des marchandises et énumère les matières premières précieuses qu’il voit comme le poivre, les étoffes ou les diamants ».