Les Fatimides et la Méditerranée centrale Xe-XIIe siècles
Si la Méditerranée centrale (Adriatique, Grèce, Italie, Sardaigne, Sicile, Libye, Maghreb central et Ifrîqiya) a été perçue comme un ensemble pendant la première moitié du Moyen Âge, la structuration des domaines de spécialité, géographiques ou dynastiques, a amené à une sorte d’amnésie de l’histoire de cet espace. Les Fatimides eux-mêmes sont le plus souvent envisagés avant tout en relation avec l’Égypte, l’Orient et la mer Rouge. Or, dans le prolongement de tendances qui avaient émergé au ixe siècle, la Méditerranée centrale semble acquérir une importance particulière au moment du morcellement durable du califat, qui débute au xesiècle et se poursuit jusqu’au xiie siècle alors que les Byzantins reprennent l’offensive en Méditerranée et au Levant. Elle voit naître un nouveau califat, fatimide, qui s’affirme à partir de cette base régionale (Ifrîqiya, Sicile dont la conquête est achevée après un siècle et demi), où elle développera des formes de délégation après son transfert en Égypte à partir de 973. Les circulations intellectuelles, artistiques et commerciales apparaissent plus clairement aujourd’hui que par le passé et permettent peut-être de retracer une histoire révisée de cet espace au cours de ces trois siècles. Une ouverture sera ménagée vers al-Andalus et le Maghreb al-Aqsâ sans lesquels il est difficile de comprendre une partie de ces circulations. La compétition califale ne se joue en effet pas seulement avec l’Orient du Dār al-islām, mais aussi beaucoup avec le califat d’Occident, avec pour enjeu, non seulement l’emprise territoriale proprement dite, mais aussi le contrôle de la mer et des pistes transsahariennes. Si ce point est bien établi aujourd’hui, il est important d’en tirer toutes les conséquences.
Il s’agit donc moins de préciser l’histoire de la dynastie fatimide ou de la Méditerranée centrale entre les xe et xiie siècles que d’avancer des éléments nouveaux permettant de repenser les circulations méditerranéennes en redonnant toute sa place à un espace qui n’a pas toujours fait l’objet de l’attention que l’importance de son rôle aurait justifié.