Les voix de l’hellénisme dans l’Antiquité tardive (IIIe-VIe siècles après J.-C.)

Gianfranco AGOSTI (Université de Pise, Italie) est l’invité  de l’Assemblée du Collège de France sur proposition du Pr Jean-Luc Fournet pour donner en mars 2024 un cycle de conférences intitulé Les voix de l’hellénisme dans l’Antiquité tardive (IIIe-VIe siècles après J.-C.)

Ces quatre conférences proposeront une nouvelle vision du concept d’hellénisme et de paideia classique dans la production littéraire de l’Antiquité tardive (fin du IIIe / VIe siècle ap. J.-C.), tout en réexaminant les modulations de ses différentes voix : les rapports entre prose et poésie, l’interaction entre littérature grecque et cultures locales, les inscriptions métriques et leur rôle dans la diffusion de la paideia, la redéfinition des rapports entre haute et basse littérature et la diffusion orale de la culture.

 

6 mars, 14h-15h (amphithéâtre Guillaume Budé)
1. Euphonie. Le rythme du monde
La première conférence portera sur les relations entre poésie et prose dans l’Antiquité tardive. Loin d’être des mondes séparés, la poésie et la prose partagent la même esthétique  expressive et communicative qui repose sur une idée atomistique de la phrase et du rythme, à son tour réglé par le colon, une brève unité de sens et de rythme accompli dont l’assemblage en structures plus larges assure l’« harmonie euphonique », qui était considérée comme la qualité essentielle de l’expression littéraire. Des auteurs qui pratiquaient des genres très différents, tels que Libanius, Ammien Marcellin, Nonnos de Panopolis et les compositeurs anonymes d’épigrammes sur pierre, sont unis par des choix expressifs qui sont une conséquence du rythme et le conditionnent en même temps et qui visent à favoriser la diffusion orale de la parole littéraire.

13 mars, 14h-15h (amphithéâtre Guillaume Budé)
2. Dire à haute voix : le corps de la parole récitée
La deuxième conférence examinera l’un des traits les plus distinctifs et encore sous-évalués de la culture de l’Antiquité tardive, à savoir le rôle de l’oralité dans la diffusion de la culture et la définition des valeurs. On montrera à travers une sélection d’exemples provenant de tout le monde méditerranéen comment les inscriptions entrent en dialogue avec les instances culturelles véhiculées par la haute littérature, en assumant aussi le rôle de diffuseurs de la culture grecque, établissant également un dialogue permanent avec la haute littérature, véhiculée elle aussi par la diffusion orale de la performance. La reconnaissance de la centralité du moment performatif implique également la prise en compte des conventions qui étayent les messages véhiculés ainsi que les réactions de l’auditoire. En d’autres termes, la relation entre la rhétorique et la réalité est fondamentale pour une évaluation de la culture romaine tardive.

20 mars, 14h-15h (amphithéâtre Guillaume Budé)
3. Dire à voix basse ? Fin d’un paradigme herméneutique.
Le troisième cours portera sur la question des valeurs esthétiques, en essayant de faire abstraction d’une perspective qualitative et classiciste, pour adopter le « paradigme à géométrie variable » de la « démocratisation de la culture ». Le modèle herméneutique traditionnel qui oppose le haut et le bas, dans un sens qualitatif, sera remis en question au profit d’un point de vue qui considère le bas comme porteur de nouvelles valeurs esthétiques. Deux aspects de la culture de l’Antiquité tardive seront particulièrement abordés : a) l’émergence de la poésie chrétienne en mètres classiques et ses innovations linguistiques ; b) les inscriptions « imparfaites », c’est-à-dire celles qui ne sont pas conformes aux canons classiques. Au lieu de les considérer comme de « mauvaises inscriptions » et un signe d’ignorance et/ou de décadence, elles seront réévaluées en tant qu’exemples de la everyday poetry de la société romaine tardive et comme porteurs d’une fonction sociale et identitaire.

27 mars, 14h-15h (amphithéâtre Guillaume Budé)
4. Polyphonie. Hellénisme et cultures locales
Le quatrième cours sera dédié aux rapports entre culture grecques et cultures locales. Après un aperçu sur le problème, on se concentrera sur le cas particulièrement significatif la littérature grecque en Égypte. Alors que l’opinion courante tend à considérer la culture littéraire grecque de l’Égypte de l’Antiquité tardive comme un produit destiné aux élites et complètement détaché de la réalité contemporaine, je propose de regarder cette production comme l’une des composantes de la culture égyptienne en dialogue avec les autres cultures, surtout avec la culture copte. Cette assomption sera vérifiée par l’examen comparatif des structures rhétoriques de la poésie grecque produite en Thébaïde et à Alexandrie et des écrits hagiographiques et homilétiques en copte.