Antiquité(s) et récits arabes : lecture et construction d’une « pré-histoire ». Appel à communication

Jean-Charles Ducène (EPHE) et Anis Mkacher (CNRS-Aoroc) organisent les 15 et 16 octobre 2024 une rencontre scientifique sur le thème :

Antiquité(s) et récits arabes : lecture et construction d’une « pré-histoire ».

Les proposition de communications (résumé de 300 mots, titre et coordonnées de l’auteur) sont à transmettre aux organisateurs avant le 15 mars :

  • jean-charles.ducene@ephe.psl.eu
  • anis.mkacher@ens.psl.eu

Argumentaire

L’historiographie arabo-musulmane qui se forme à l’époque abbasside s’adosse à une vision
téléologique de l’histoire, bien que par la suite elle prenne d’autres directions. Néanmoins, comme
elle fait de la « révélation » un moment charnière de l’histoire de l’humanité, la période antérieure
se voit affublée de la notion de ǧāhilīya ou « ignorance ». Cette dernière, qui concernait à l’origine
la période pré-islamique en Arabie, berceau de l’Islām, a fini par s’imposer comme un marqueur
historique dans lequel tous les éléments qui concernent les périodes historiques précédentes ont
été insérés. Ce trait commun fut, en dépit d’une aire géographique qui n’a cessé de grandir, une
manière unanimement utilisée par les auteurs qui ont écrit sur le sujet. Or les chroniqueurs arabes
depuis al-Ya‘qūbī jusqu’à Ibn Ḫaldūn et al-Maqrīzī n’ont eu de cesse d’aborder cette période
préislamique soit dans un désir d’exhaustivité pour les historiens universels, soit de manière plus
locale quand une histographie régionale apparut ou encore relatant les conquêtes lorsque le droit
fut convoqué pour justifier des impôts. Certes, quelques textes d’historiens tardo-antiques
(Orose, Eusèbe de Césarée, Flavius Josèphe, …) ont été accessibles de manière indirecte et
fragmentaire à certains auteurs arabes, mais les sources de ces derniers ainsi que la manière dont
ils ont « imaginé » l’histoire ancienne et interprété les vestiges présents dans le paysage restent à
globalement à analyser.
Cette rencontre serait l’occasion de revenir sur ces sources narratives et descriptives pour
interroger leur interprétation d’un passé qui, parfois, leur était encore relativement proche ou
dont les témoignages monumentaux posaient question aux observateurs. Comment ces textes
ont-ils été construits et quelles étaient les lectures du passé qui les motivèrent ? Comment l’islam
naissant, en tant que système symbolique, a-t-il pu orienter cette écriture ? L’Etat impérial qui se
formait en même temps et qui fut la matrice idéologique des premiers chroniqueurs avant de
devenir un souvenir idéalisé a-t-il pu participer à la construction de ces discours ? Y a-t-il des
réécritures de l’histoire dans une perspective de refondation politique ? Bien entendu, depuis le
XIXe siècle, des études ponctuelles ont déjà apporté des réponses à ces interrogations, mais un
colloque thématique serait propice à faire le point sur les textes et les méthodes.
Un premier axe serait l’interprétation donnée aux vestiges préislamiques rencontrés dans la
Mamlakat al-Islam et qui aiguisèrent l’imagination, depuis l’Andalus jusqu’à l’Iran, en passant par le
Yémen.
En confrontant les données textuelles et les vestiges, nous cherchons à aborder la présence
antique sur le sol des régions conquises par l’intermédiaire de deux problématiques principales où
les textes pourraient aider les études de terrain. Premièrement, à quel point les témoignages des
récits arabo-musulmans sont-ils fiables ? Deuxièmement, dans quelle mesure ces textes sont-ils
capables de fournir des données supplémentaires ?

Un second axe suivrait la même logique géographique pour se focaliser en particulier sur les
textes relatifs à une région spécifique, à un passé régional particulier, en vue d’analyser leur
dimension littéraire et intertextuelle, notamment à partir des pratiques lexicales et étymologiques.
Leurs sources étaient-elles seulement écrites – régionales ou pas – ou orales, quid du topos de
l’informateur oral ou de l’inscription subitement lue par un indigène ? L’objectif serait bien ici de
mettre à jour les processus d’écriture et les motifs qui auraient présidé à l’élaboration consciente
ou non de ces textes.