Karnak – Sanctuaires osiriens. Étude du mobilier archéologique

Vue des chapelles osiriennes du nord © Mission des sanctuaires osiriens de Karnak / L. Coulon

Vue des chapelles osiriennes du nord © Mission des sanctuaires osiriens de Karnak / L. Coulon

Histoire des fouilles

Au XIXe s., les premiers savants explorateurs, notamment Jean-François Champollion ou Karl Richard Lepsius, réalisèrent des relevés des chapelles qui étaient alors partiellement visibles, comme celle d’Osiris coptite. Anthony Charles Harris, Auguste Mariette, puis Georges Legrain entreprirent des dégagements qui amenèrent la mise au jour complète de certains sanctuaires ou la découverte d’édifices nouveaux comme celui consacré à Osiris « souverain de l’éternité ». Dans la deuxième moitié du XXe s., Henri Chevrier et Clément Robichon mirent au jour plusieurs constructions osiriennes, respectivement au nord-est de Karnak et dans le secteur de Karnak-nord, tandis que Jean Leclant, Paul Barguet et Claude Traunecker menèrent une série d’études qui éclairèrent la richesse des témoignages osiriens éparpillés dans Karnak. Dans les années 1990, l’étude des vestiges mis au jour par H. Chevrier et la poursuite des fouilles par François Leclère dans le secteur nord-est du temple amenèrent l’identification de plusieurs phases d’aménagement de la nécropole osirienne, depuis la fin du Nouvel Empire jusqu’à l’époque ptolémaïque. Des catacombes datant de Ptolémée IV, portant une riche décoration peinte, furent exhumées. À partir de 2000, le programme osirien a ouvert un nouveau champ d’activité sur les chapelles osiriennes longeant la voie dallée menant au temple de Ptah. Le chantier s’attache à l’analyse archéologique et à l’édition épigraphique complète des trois chapelles bordant cette voie.

Les chapelles osiriennes et les divines adoratrices d’Amon

La plupart des chapelles osiriennes qui ont été édifiées autour des sanctuaires de Karnak l’ont été à l’initiative des divines adoratrices d’Amon, depuis le début de la Troisième Période intermédiaire jusqu’à la fin de l’époque saïte, au VIe s. av. J.-C. Leur localisation est révélatrice : elles se situent non seulement autour du cimetière osirien au nord-est du temple, mais aussi le long des voies processionnelles parcourant la partie nord du sanctuaire, en direction du quartier résidentiel des divines adoratrices et du harem d’Amon, sur le site du village moderne de Naga Malqata. Chaque chapelle met en scène le lien privilégié de ces princesses royales avec, d’une part, le dieu Amon, largement présent dans le programme décoratif, et d’autre part Osiris, à qui chaque chapelle voue un culte défini par une épithète spécifique : « maître de la vie », « celui qui inaugure l’arbre-iched », etc. Chaque chapelle s’inscrit dans un paysage osirien kaléidoscopique en présentant un programme théologique qui lui est propre. Celui qui caractérise la chapelle d’Osiris Ounnefer « maître des aliments » se distingue ainsi par sa coloration abydénienne qu’a privilégiée le majordome d’Ânkhnesneferibrê, Chéchonq, maître d’œuvre érudit de cet édifice. Ce dernier a été conçu comme un reposoir du fétiche processionnel d’Abydos, en empruntant une partie de son décor aux scènes des temples du Nouvel Empire situés dans cette illustre métropole osirienne.

La chapelle d’Osiris Neb djefaou © Mission des sanctuaires osiriens de Karnak

La chapelle d’Osiris Neb djefaou © Mission des sanctuaires osiriens de Karnak

Une vision diachronique de l’évolution du culte osirien dans son environnement

L’analyse archéologique s’est concentrée ces dernières années sur l’étude des trois chapelles édifiées, entre la XXVe et la XXVIe dynastie, à l’extérieur de la grande salle hypostyle, le long de la voie menant au temple de Ptah. Outre celle consacrée à Osiris Ounnefer Neb djefaou « maître des aliments », une plus ancienne est consacrée à Osiris Neb ânkh/pa oucheb iad « maître de la vie/celui qui secourt le malheureux », et une troisième, plus récente, à Osiris Ounnefer.
Ces chapelles ont été édifiées sur des niveaux datés entre la fin de la période ramesside et la Troisième Période intermédiaire, comprenant notamment d’imposants et larges massifs de briques crues, certains faisant partie de l’enceinte du domaine d’Amon, lors de la XXIe dynastie, avec de nombreuses estampilles au nom du grand prêtre Menkheperrê. D’autres vestiges révèlent la présence de cultes rendus avant l’édification des chapelles, comme certaines figurines, scellés et autre construction en briques crues. Mais l’élément le plus significatif est un dallage composé de larges dalles de grès et de calcaire, appartenant à un édifice antérieur à la chapelle d’Osiris Ounnefer Neb djefaou, potentiellement lié aux vestiges d’un édifice osirien antérieur. S’agissant des trois chapelles encore en place, le culte rendu à la divinité est bien plus aisé à appréhender à travers les différents programmes décoratifs présents sur ces trois chapelles que par l’analyse des niveaux archéologiques, car peu d’éléments en place ont pu être collectés pour alimenter la compréhension des espaces. Néanmoins la perception que nous avons des lieux a été éclairée par la découverte de plusieurs dépôts ; souvent constitués de figurines en bronze ou de vases en dépôt, ils sont associés à Osiris, qu’ils soient liés aux fondations des édifices ou aux rituels effectués postérieurement.
Les occupations ultérieures du secteur offrent de riches informations sur la permanence des lieux et des cultes. Malgré de nombreuses phases de destruction et de réoccupation entre le Ve et le IIIe s. av. J.-C., les édifices sont pour la plupart restaurés et insérés dans un cadre spatial plus large. Lors de certaines de ces phases, le culte rendu à Osiris semble perdurer, ce dont témoignent la restauration des monuments, la présence de figurines en bronze, de moules, et surtout quelques dépôts associant monnaies ptolémaïques et fragments de statues d’Osiris (uraeus, plumes d’autruche) qui ont pu être mis au jour au sein de certains réaménagements. Les phases ultérieures entre le IIe/Ier s. av. J.-C. et le Ier et le IIIe s. apr. J.-C., offrent encore une multitude d’informations, mais les nombreux remaniements du secteur ne laissent que de rares vestiges faisant écho aux cultes antérieurs.

Laurent Coulon (Ifao/EPHE-PSL) et Cyril Giorgi (Inrap)

Articles

L. Coulon, C. Giorgi, Rapport annuel sur la fouille des chapelles osiriennes nord de Karnak dans le rapport d’activité de l’Institut français d’archéologie orientale (BIFAO-Suppl.) depuis 2000.

L. Coulon, D. Laisney, « Les édifices des divines adoratrices Nitocris et Ânkhnesnéferibrê au nord-ouest des temples de Karnak (secteur de Naga Malgata) », Cahiers de Karnak 15, 2015, p. 81-171.

L. Coulon, « Les chapelles osiriennes de Karnak. Aperçu des travaux récents », BSFE 195-196, juin-octobre 2016, p. 16-35.

L. Coulon, A. Hallmann, F. Payraudeau, « The Osirian Chapels at Karnak: An Historical and Art Historical Overview Based on Recent Fieldwork and Studies », in E. Pischikova, J. Budka, K. Griffin (éd.), Thebes in the First Millennium BC. Art and Archaeology of the Kushite Period and Beyond, Proceedings of the International Conference held in Luxor, 25-29th September, 2016, GHP Egyptology 27, Londres, 2018, p. 271-293.

F. Gombert-Meurice, F. Payraudeau (éd.), Servir les dieux d’Égypte. Divines adoratrices, chanteuses et prêtres d’Amon à Thèbes, catalogue d’exposition, musée de Grenoble, 24 octobre 2018-27 janvier 2019, Paris, 2018.