Tell el-Farama (Péluse)

NB : En raison du contexte égyptien actuel, la fouille a été interrompue depuis 2010.

Le programme intitulé « Farama zone sud-est (de la forteresse) » a débuté en 2006 dans le cadre d’une collaboration entre le Conseil Suprême des Antiquités d’Egypte, représenté par le Docteur Mohamed Abd el-Maksoud, et une équipe franco-suisse dirigée par le Professeur Charles Bonnet, de Genève, Membre de l’Institut, assisté de Jean-Yves Carrez-Maratray, Professeur à l’Université d’Angers. La partie égyptienne, relevant de l’Inspectorat du Nord-Sinaï, est dirigée par le Docteur Mohamed Abd el-Samie, assisté d’Ahmed el-Tabaïe. La partie franco-suisse est composée des deux responsables assistés de François Delahaye, archéologue INRAP, et de Delphine Dixneuf, céramologue.

Ce programme s’est donné pour objet de compléter l’étude archéologique d’une zone de la ville antique de Péluse (Tell el-Farama) dont la fouille, initiée par le CSA à la fin des années 1990, s’était avérée extrêmement prometteuse. Cette zone, située en dehors de l’enceinte par laquelle la ville de Péluse fut, à la fin du IIIème siècle de notre ère, divisée en quartiers intra-muros et extra-muros, se signalait d’emblée par la présence d’une église cruciforme monumentale, d’un établissement thermal romain plusieurs fois remanié, et d’un quartier d’habitation datable des époques byzantine tardive et islamique ancienne. Ses objectifs sont les suivants : effectuer le relevé complet, brique à brique, de toutes les structures de bâti encore en place, tâche confiée à François Delahaye. Atteindre dans la mesure du possible, sans détériorer les structures romano-tardives et byzantines existantes, les niveaux archéologiques sous-jacents, d’époque romaine impériale et, éventuellement, ptolémaïque, pour tenter de saisir les ruptures ou les continuités unissant la Péluse antique à la Farama médiévale. Restaurer les monuments encore reconnaissables pour les rendre à la fois plus résistants aux intempéries et plus accessibles aux visiteurs, dans le cadre d’un projet d’aménagement touristique du site de Tell el-Farama.

Ce programme a été mis en oeuvre dans le cadre de missions archéologiques annuelles réalisées en 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, en étroite collaboration avec la mission franco-égyptienne de Tell el-Herr dont la Directrice, Mme le Professeur Dominique Valbelle, offre à l’équipe franco-suisse tout le soutien logistique dont elle a besoin. Nous lui témoignons ici toute notre gratitude. Chaque mission a fait l’objet d’un rapport préliminaire publié annuellement dans la revue Genava.

L’église cruciforme tétraconque date, dans son premier état, des premières décennies du Vème siècle, ce qui permet de l’identifier, très probablement, avec la construction ostentatoire de l’évêque Eusèbe que son contemporain, Saint Isidore de Péluse, appelle ekklésiasterion. Plusieurs fois remaniée, elle semble avoir subi de graves dommages au début du VIIème siècle causés peut-être par le conflit entre monophysites et nestoriens ou, plus surement, par l’invasion perse. Elle a été bâtie à l’emplacement d’une villa suburbana antérieure dont une pièce, transformée en oratoire à la fin du IVème siècle, fut intégrée dans l’abside nord de l’église. Cette villa, construite à la fin du IIIème siècle, fut en pleine activité sous les empereurs constantiniens et valentiniens et servit même d’atelier monétaire.

A l’est de l’église, les bains romains datent également, dans leur premier état conservé, de la fin du IIIème siècle, mais ils pourraient avoir été bâtis à l’emplacement d’un établissement antérieur. En effet la dédicace, retrouvée en remploi dans l’église et datable du IIème siècle, d’un édifice municipal mentionnant le gymnasiarque Kasios alias Dioskouridès pourrait être celle des bains du gymnase. Toutefois une autre dédicace fragmentaire datable, elle aussi, du IIème siècle, mentionne, pour sa part, un « temenos ». Ce sanctuaire fermé dont l’existence est désormais documentée, mais pour le IVème siècle, par la découverte d’un temple romain sur podium avec aménagements périphériques et clôture, était probablement celui de Pélousios, le héros bon génie de la cité. En effet, les équipements hydrauliques dont il est pourvu, et notamment une monumentale sakyeh, illustrent ce que l’on savait, par des auteurs anciens comme Tertullien, Jean Lydus ou surtout Ammien Marcellin, des « baptëmes païens » qui caractérisaient le culte de Pélousios.

Si le premier aménagement de la sakyeh remonte bien, comme il semble, jusqu’à l’époque augustéenne, nous serions effectivement en présence du sanctuaire connu, pour l’an 4 avant J.-C., par la dédicace de Quintus Corvius Flaccus, juridicus d’Alexandrie, d’un trône et d’un autel à Pélousios. Ce trône et cet autel apparaissent, sur la fresque du mur est de l’Iseum de Pompei, derrière l’image d’un « Harpocrate déhanché » en qui nous proposerions volontiers de reconnaître le héros Pélousios. La poursuite de l’exploration se donnera pour tâche de tester la validité de ces hypothèses mais la mise au jour, in situ, d’une drachme à « Antinoos héros », l’équivalent impérial du bon génie Pélousios, paraît d’ores et déjà aller dans le sens de cette interprétation.