Sedeinga

Sedeinga est situé sur la rive ouest du Nil, en Nubie soudanaise, à 200 km au sud de la frontière entre le Soudan et l’Égypte, à 165 km au nord de New Dongola et 700 km de Khartoum. Ce toponyme désigne exclusivement le site archéologique. Les deux villages modernes qui l’encadrent sont au nord Qubbat Selim, au sud Nilwa. Le site comprend de nombreux témoignages archéologiques qui couvrent presque toute l’histoire du Soudan. À l’ouest (Secteur NW), des vestiges néolithiques et protohistoriques ; à l’est, le temple de la reine Tiyi, grande épouse royale d’Amenhotep III, érigé vers 1360 avant notre ère; entre les deux, les quatre secteurs de la grande nécropole napato-méroïtique, entre 700 avant et 300 après notre ère ; au sud, les vestiges de l’église de Nilwa, édifiée dès le VIe/VIIe siècle, des bâtiments ruinés sans doute chrétiens, peut-être restes d’un ancien couvent, et enfin une forteresse ottomane du XVIe siècle, qui réutilise sans doute un édifice plus ancien.

Photo aérienne de la zone fouillée 2009/2017, montrant les tombes coiffées de pyramides de briques crues (© SEDAU/V. Francigny)

Les fouilles archéologiques ont débuté sous la direction d’une riche Italienne, Mme Michela Schiff Giorgini, qui avait obtenu en 1957 la concession du temple de Soleb, situé à 14 km au sud, sous le patronage de l’Université de Pise. Assistée par l’archéologue français Clément Robichon, elle commença en parallèle la fouille de Sedeinga en 1963, lorsque les deux premiers volumes de Soleb furent prêts pour l’impression. L’équipe reporta ses efforts sur la fouille de la nécropole napato-méroïtique, où les grandes pyramides des gouverneurs méroïtiques de Sedeinga, dans le Secteur Ouest, livrèrent du matériel de toute beauté malgré les pillages répétés : bijoux, verreries et textes funéraires en méroïtique.

En 1976, Michela Schiff Giorgini, après deux décennies de travail sur les deux sites, décida d’abandonner le terrain pour se consacrer à la rédaction des tomes suivants de Soleb. Le chantier de Sedeinga fut cédé à la France et fut placé sous la direction de Jean Leclant (1920 – 2011), une des grandes figures de l’égyptologie française et l’un des premiers à y avoir introduit l’étude du Soudan antique. La mission française fit bâtir en 1979/80 une véritable maison de fouilles sur le site, où jusqu’alors ne se trouvait qu’une petite unité pour le stockage et le travail, l’équipe ayant ses quartiers à Soleb. Les fouilles continuèrent sur le Secteur I, qui contenait d’immenses hypogées sous pyramides, mais assez peu de mobilier en raison des pillages anciens et répétés. En 1991, l’architecte et égyptologue Audran Labrousse reprit officiellement la direction de la mission, à laquelle il participait depuis longtemps. Les fouilles se déplacèrent sur le Secteur II, la partie centrale de la nécropole. En 1994, Catherine Berger-El Naggar remplaça Audran Labrousse à la tête de la mission. Elle continua les travaux sur le Secteur II de la nécropole jusqu’au début des années 2000.

En 2008, la mission passa sous la direction de Claude Rilly, directeur de recherche au CNRS (UMR 8135) et directeur d’études à l’EPHE, en tandem avec Vincent Francigny (SFDAS, puis CNRS, UMR 8167). Une première saison de fouilles sur la nécropole eurent lieu en novembre/décembre 2009, puis jusqu’aujourd’hui à raison d’un mois de terrain chaque année, sauf en 2020/2021 en raison de la pandémie de Covid19. Depuis 2009, onze campagnes de fouilles se sont enchaînées sur l’extrémité ouest du Secteur II de la nécropole, correspondant à trois quadriennaux, respectivement centrés sur la topo-chronologie des tombes, la transition entre les époques napatéenne (650/270 av. J.‑C.) et méroïtique (270 av. J.-C/ 330 apr. J.-C.) et enfin la recherche des enterrements fondateurs de la nécropole. Si nous n’avons pu trouver les tombes pharaoniques correspondant à la primo-occupation du site de Sedeinga sous la colonisation égyptienne de la XVIIIe dynastie, nous avons apporté des réponses solides aux deux autres problématiques et avons pu faire remonter des sépultures à la XXVe dynastie (vers 700 av. J.-C.). Sur le plan matériel, 76 pyramides de briques crues de tailles diverses et près de 250 tombes ont été mises au jour depuis 2009. Vingt-cinq inscriptions funéraires, pour la plupart de longueur importantes, ont été mises au jour. Elles sont inscrites dans la langue méroïtique, l’idiome principal du Soudan antique, dont le déchiffrement est en cours. Toutefois, pour ce genre de textes, les récents progrès en ce domaine permettent une compréhension presque complète. La dernière saison effective de fouilles, en novembre/décembre 2019, a été particulièrement heureuse, avec la découverte de deux grandes statues-ba en grès et d’un enterrement collectif bien conservé, dont la datation à l’époque napatéenne a pu être établie par une analyse C14.

De 2015 à 2018, une seconde campagne annuelle, financée exclusivement par un mécénat soudano-qatari (QSAP : Qatar-Sudan Archaeological Project), consacrée à la fouille et à la mise en valeur des vestiges du temple de la reine Tiyi fut ajoutée aux travaux sur la nécropole en janvier/février.

 

Montant de chapelle en grès figurant la déesse Maât, garante de l’équité du défunt (© SEDAU/V. Francigny)

 

Découverte en 2016 de la stèle de la dame Ataqeloula dans les vestiges de sa chapelle funéraire par l’archéologue Vincent Colard (© SEDAU/A. Chen)

 

La stèle de la dame Ataqeloula, gravée en caractères cursifs méroïtiques, IIIe siècle de notre ère (© SEDAU/V. Francigny).

 

Déplacement en 2016 des blocs ornés du temple de la reine Tiyi (vers 1360 av. J.-C.), ici un chapiteau hathorique de la salle hypostyle (© SEDAU/C. Rilly)

 

Articles

Rilly, C., Francigny, V et David, R . 2020.  « Collective Graves and Ba-statues. The 2018 and 2019 Campaigns in Sedeinga », Sudan & Nubia 22, p. 65-74.

Rilly, C. 2020 « La Mission archéologique française de Sedeinga. De la reine Tiyi aux dames de Nubie », dans M. Maillot (éd.), SFDAS 1969 2019, Cinquantenaire de la Section française de la Direction des antiquités du Soudan, Paris, Soleb, Études d’égyptologie 23, p. 27-49.

David, R. 2020, « Message in a Bottle… Napatan Hand-made Red-slipped Ceramics from Sedeinga », in Vidale, M., Usai D. et Tuzzato, S. (éds), Tales of Three Worlds, Archaeology and beyond: Asia, Italy and Africa. A tribute to Sandro Salvatori, Oxford, Archeopress, p. 250-254.

Rilly, C. 2019. « Reine d’Égypte, déesse de Nubie. Le destin du temple de Tiyi à Sedeinga (Soudan) », CRAIBL, p. 803-830

Rilly, C. et Francigny, V. 2018.  « Closer to the Ancestors. Excavations of the French Mission in Sedeinga 2013–2017 », Sudan & Nubia 22, p. 65-74.

Francigny, V.  2014. Les coutumes funéraires dans le Royaume de Méroé. Les enterrements privés. Paris, De Boccard, Orient et Méditerranée | Archéologie 22.

Rilly, C. et Francigny, V. 2013, « Sedeinga 2012: A Season of Unexpected Discoveries », Sudan & Nubia 17, p. 61-65, 7 pl. , 3 fig.

Rilly, C. et Francigny, V. 2010, « Excavations at Sedeinga. A New Start », Sudan & Nubia 14, p. 62-68, Pl. XXIII-XXV.